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25 juin 2008

Flâneries parisiennes 8

Le Petit eldorado

de la rue Daguerre


Caf__daguerre_recadre

Il est des endroits qui sont comme des respirations dans les jungles urbaines. Au détour des axes rouges et des feux tricolores, des foules compactes et oppressantes, on trouve encore des ruelles désertes, des passages sans le flot ininterrompu defromages véhicules puants et lancés à toute berzingue. La rue Daguerre est une de ces artères miniatures qui donne un air de village en fête à Paris. Il est agréable d’y flâner paresseusement au sortir des sinistres et nauséabondes catacombes, enfouies quelque part sous les pavés de la Place Denfert-Rochereau. Cette rue qui ignore les voitures l'espace de quelques mètres trop peu nombreux mais si précieux pour les chemineurs amoureux de Paname, est une rivière qui coule doucement dans notre géographie personnelle de Paris. Nous aimons la traverser lentement, respirant les couleurs des boutiques qui l’animent. Malgré une plénitude nonchalante, nous pressons légèrement le pas car nous savons bien qu'il suffit de quelques traverses de rues perpendiculaires pour atteindre le petit eldorado de la rue Daguerre. Nous nous attardons dès notre entrée sur le pavé, à observer les étales des commerçants. Avec gourmandise , nous nous délectons de ces fromages alignés sur des planches de hêtres ou de merisier et embaumant toute la rue de leurs arômes puissants et délicats à la fois. Nous admirons les palettes composées de ces crustacés et coquillages, langoustines, fruits_de_mer_daguerrecrabes, palourdes, bigorneaux, berniques et bulots…, laissant peu de place aux fades filets délavés de poissons à la blancheur candide. Tu marques tout de même une courte pause chez le bouquiniste qui étend jusque sur la moitié de la rue, ses occasions livresques. Aujourd’hui, nous accélérons le pas encore un peu plus que de coutume. Nous tenons chacun d’une main notre fiston, âgé d’un peu plus d’un an. Plutôt que de marcher, il vacille et oscille gracieusement. Il ne se déplace en station verticale que depuis un mois à peine. Il voudrait bien courir mais au bout des maigres mètres piétonniers de la rue Daguerre, surgissent les voitures toujours aussi insolentes avec les randonneurs de Paris. Nousdevanture_boutique atteignons enfin le but ultime de notre excursion : une minuscule boutique dans laquelle se côtoient, étalés pêle-mêle, livres pour enfants de toutes sortes – albums, contes fantastiques ou drolatiques, romans policiers ou de terreur qui provoquent sueurs froides et peurs bleues, histoires sentimentalogrenadines, en mousse, en tissus ou plastifiés à feuilleter dans le bain – et des jouets en bois traditionnels résistant à l’invasion grandissant de babioles abracadabrantes – farces et attrapes, monstres gluants et répugnants, sorcières déjantées, citrouilles éventrées – car Haloween, la grignoteuse de la Toussaint religieuse, approche. Une belle après-midi ensoleillée mais d’un froid piquant nous invite à rester rêver un peu plus longtemps dans ce bric-à-brac insolite. Dans cette caverne d’Ali-Baba, j’avais un jour déniché pour toi un octascope, objet inutile qui invite au voyage imaginaire et si cher à Philippe Delerm. Après avoir choisi quelques ingrédients fantaisistes et les avoir soigneusement rangés dans nos sacs que l’on pouvait prendre, dans un délire provoqué par l’endroit, pour des chaudrons magiques, nous reprenons en sens inverse la rue Daguerre. Nous n’irons pas cette fois-ci jusqu’au charmant magasin d’accordéons qui pourrait bien être accordeonsle paradis du Vieux Léon et de mon grand-père qui fut, en ses dernières années, un adepte fidèle et appliqué du diatonique. Nous nous arrêtons à la boulangerie et nous dévorons tout en poursuivant nos flâneries, toi un sablé au chocolat et moi un pain au chocolat soi-disant suisse mais pas plus helvète qu'underground. Nous voyons alors des chaussures pour enfants, alignés devant une devanture qui nous avait jusqu’alors échappée. Ce n'est pas Le chat botté de Thomas Fersen mais de jolis petits chaussons d’un bleu nuit profond où étincelle un croissant de lune d’un jaune ocre nous ravissent. De véritables pantoufles de Cendrillon en miniature. Nous les faisons essayer à notre petit Poucet qui a l'air, chaussé de ces ballerines lunaires, d'un petit Prince foulant la roche sableuse de son étoile. Nous profitons des derniers rayons chauds du soleil, assis sur un banc dans le petit square planté au milieu de la place Denfert-Rochereau. Notre petit bonhomme s’extasie devant la pelouse interdite aux pas trop lourds des badauds. Tout autour, la circulation est dense mais nous sommes ici comme dans un petit îlot, isolés des nuisances sonores de la ville. Le vent amène jusqu’à nos oreilles le faible écho des slogans de manifestants défendant... beaucoup de choses. Dans ce havre de paix, la rumeur de la folie du monde ne fait que glisser au-dessus de nos têtes encore émerveillées par la traverse de la rue Daguerre et des ses caches magiques.

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