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29 juillet 2008

CHIEN 2

L'épicerie de nuit arabo-celtique

 

 

Dans un coin pourri

du pauvre Paris

Loin du bled

l'est une épic'rie

tenu par l'ami

Mohammed...


Epicerie_de_nuit_html_43b411c0A chaque fois que j'allais acheter un p'tit truc de dernière minute dans l'épicerie noctambule du quartier, je chantonnais ces paroles inspirées de la chanson de Brassens, Le Bistrot. J'essayais de la faire un peu raï mais bien souvent c'est ma voix qui déraille, alors j'arrêtais dès le premier couplet pour éviter qu'on me raille... D'autant plus que je n'avais pas le temps d'en chanter plus, car à ce moment de la chanson, j'arrivais déjà sous l'éternel parasol Coca-cola de Momo. Momo l'épicier, pas un gros dégueulasse lui, un mec bien, discret mais bien. Il me connaissait bien Momo, j'étais un régulier. Tellement tête en l'air. A chaque fois que je faisais mes courses, pas bien loin, au Franprix là-bas derrière la place, j'oubliais d'acheter quelque chose. Je faisais pourtant des listes bien soigneusement, en notant tout dans l'ordre des rayons du magasin, mais bien souvent je les oubliais sur la toile cirée rouge pétante de ma cuisine. Pas une kitchenette non une vraie cuisine, presque dix mètres carrés. Plutôt rare à Paris. J'en étais fier, elle était presque aussi grande que ma chambre. Mais là n'est pas la question, revenons-en à Momo. Momo c'était un chouette type avec les réguliers comme moi. A cause de moi ou plutôt grâce à moi, parce qu'il voulait me faire plaisir, il s'est mis à proposer des plaquettes de beurre demi-sel et des galettes de sarrazin (là on se retrouvait, à croire que le blé noir est arabo-celtique). Réminiscences de ma Bretagne natale. Et ici on n'est même pas à Montparnasse, pour vous dire un peu le coin pourri...Pas un biniou en vue ! Il en vendait pas mal en plus, je n'étais pas le seul à lui acheter ces articles du grand Ouest, y 'avait de la demande sans qu'il le sache. Du coup, il avait investi dans le cidre et en offrait toute une gamme, parce que les gens avec les galettes ils veulent du cidre, c'est normal. On en trouvait plein de sorte et de préférence du finistérien (t'en trouves même pas à Franprix du comme ça), pas du Normandie, ça c'est bon pour boire avec des tartes aux pommes. Alors-là bien vu Momo ! Parce que désormais, je venais même chez toi quand j'avais bien fait toutes mes courses avec un plan de route si bien suivi que je n'avais rien oublié ! J'étais passé de régulier à ultra-régulier (parce que les galettes moi, c'était tous les vendredis soir en alternance avec l'oeuf à la coque... et comme son cidre était le meilleur du coin...). Malgré ça, on causait pas beaucoup Momo et moi, on était plutôt du genre taciturne mais on s'appréciait, ça se sentait. Mieux vaut parfois le silence aux mots inutiles, c'est bien souvent comme ça qu'on communique le mieux. Pourtant avant, lui, le bagout c'était son truc. Avant... mais depuis que sa femme l'avait quitté... Radical, net. Momo est devenu presque muet, fondu dans la parole utile, la phrase toujours exacte. Pas de mots vains. Il y avait encore des gens qui venaient dans son épicerie. Tous ne venaient quand même pas que pour sa femme ! Son Sidi Brahim attirait quelques gosiers et son coca quelques ménagères...un super détachant faut dire. Et puis les noctambules et les nyctalopes existeront toujours. Bon faut bien avouer qu'elle était belle sa femme... un peu comme dans la chanson de Brassens mais en moins bloc de glace, alors forcément... Plutôt que le voile, elle avait mis les voiles ! Et Momo restait seul depuis, dans ce coin pourri, dans son épicerie de nuit, espérant qu'elle revienne une nuit, échouer sur le sable caché sous les pavés de sa rue. Il l'attend ce voilier magique, il sait qu'il viendra avec son étoile d'Alger, sa femme tant chérie. Il ne l'attend pas seul car veille avec lui, couché à ses pieds sous la caisse enregistreuse, son chien. Une petite caresse de temps en temps, plonger sa main dans le poil soyeux de son lévrier afghan, voilà ce qui l'aide à traverser les nuits qui passent les unes après les autres. C'est pour ça qu'il est ouvert toute la nuit, , Momo... parce qu'il attend.

Pour la photo : © Les Impromptus Littéraires – Tous droits réservés

voir Les impromptus littéraires

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Commentaires
S
C'est vrai ce texte est à l'imparfait mais il se termine sur le présent ! Il raconte du passé, tout ce qui est habitude pour en arriver au moment présent, l'attente de Momo.<br /> <br /> Mais merci pour ce commentaire qui me fait très plaisir.
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M
Je ne comprends pas pourquoi ce texte est à l'imparfait (on s'attend à la disparition de Momo ou au moins au déménagement du narrateur).<br /> En revanche, quand je le lis au présent, je le trouve très sympa. <br /> A tel point que je me décide à mettre ce com'...et à être sincère à défaut de bloguesquement correcte.<br /> Cependant, le principal reste bien sûr : bravo pour ce texte ! et merci de le partager.
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