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15 septembre 2008

CHIEN 8

Chienne de vie


Graff_1_pour_chienne_de_vieL’heure est au sommeil, aux rêves enchanteresques, aux songes aussi profonds que les forêts des contes de fées. Au bout du conte, il me faut compter les moutons pour que les paupières enfin, alourdies par une journée harassante, tombent d'un seul coup. Mais comment plonger dans la douceur d’une mousse, la léthargie argileuse de la nuit ? Comment s’évanouir sous tes tendres baisers Morphée ? Tu es une belle invite au sommeil, mais je suis lent, et je ne dors pas et je veille.

A cette heure avancée, la lune est bien propre, bien nettoyée, balayée par les nuages insolents avec leur somnolence qui me nargue ; les idées vagabondent dans la petite tête d’un petit homme à cette heure avancée de la nuit, et elles finissent par prendre la teinte de la nuit, un noir abyssal, légèrement clairsemé des pâles lueurs d’étoiles vacillantes.

    Mon chien, lui, dort. Sans soucis. Il dort paisiblement, couché sur son tapis de laine ovine, près de la bonne flamme qui crépite dans la cheminée. Il est fidèle mon chien, fidèle à son poste et à son rôle de chien. Bienheureux, il ne pense pas, sa tête ne tourbillonne pas à cause de pensées papillonnantes. Non, mon chien ne se pose pas de question. Evidemment non, il n’a aucune réponse à trouver. La chaleur de l’âtre, l’âme d’un bon pâtre qui veille, la consistance d’une bonne pâte, voilà qui suffit à son bonheur. Et la bonne heure, la voici qui arrive. Sans réfléchir, sans même fléchir, mon bon chien, tu te perds aussitôt avec plaisir dans les méandres du sommeil. Il t’arrive même de ronfler mais toujours paisiblement. Comme tout est paisible chez toi, tu as beau parfois t’agiter, tu restes paisible. Il t’arrive de rêver, de rêver que tu cours, que tu manges, que tu chasses. Les choses simples de ta vie. Sans pensée, sans folie. Oui tout est paisible et tu rêves. Ah ! la belle ironie de l’onirie.

Tu dors c’est vrai, mais sans tapis, sans cheminée, sans flamme crépitante, sans maison, sans toit, sans rien, sauf moi. Car ici, il n’y a rien. C’est la rue. Et il fait froid et je ne dors pas. C’est la rue. Ça doit être pour ça. Tu es sur moi mon bon chien, mais malgré cela j’ai toujours froid et je ne dors toujours pas même si la belle envolée de cloche égrène au loin, les douze coups qui font battre le cœur de la nuit. On est dans la rue, que veux-tu de plus que ce banc vert vermoulu, ce banc perdu sur la rive du canal qui s’échappe de la ville. On n’est pas seul au moins. Il y a, blottis contre moi, mes deux petits. Mes enfants mes amours emmitoufflés sous notre unique couverture toute râpée, comme happée par les souvenirs qui passent et ne laissent même plus de place aux traces. Mes deux petits dorment aussi. A poings fermés. Sans se crisper. C’est dans le sommeil qu’ils sont le plus heureux. Ils sont si beaux, si doux.

J’ai froid et je ne dormirai pas. Encore une fois. Une nuit, viendra l’ultime car si l’issue de secours n’est pas dans le sommeil, ce labyrinthe séducteur, elle n’est pas dans la veille non plus. La rue est une impasse. On l’appelle parfois une mauvaise passe mais comme elle dure et ne trépasse, elle devient une mauvaise place, qui perdure et ne passe. J’ai froid mais mes petits sont au chaud contre moi et mon chien. Je leur donne ma chaleur. C’est tout ce qu’il me reste. Un dernier souffle avant le jour.


graff_2_pour_chienne_de_vie

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Commentaires
C
oups...il y a toute une atmosphère dans ce texte...entre rêve et réalité...avec le rôle prépondérant du chien...<br /> C'est bien mené, sébarjo...
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