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18 septembre 2008

CHIEN 9

Le chien de l’Etranger


Chien_de_l_etrangerAujourd’hui mon chien est mort. Ou hier peut-être, je ne sais plus. Il s’était endormi sur le paillasson, l’air fatigué du patachon, blasé, débraillé et désabusé. Paisible, à l’aise et risible, il ne bougeait plus. Il ne s’était pas réveillé. Je me suis rendu à mon travail, la tête dans les entrailles, et j’ai demandé un congé à mon chef de service. Je voulais enterrer cérémonieusement mon chien, au fond de mon jardin. Il n’a pas compris. Etonné, abasourdi, les yeux rivés sur des stastistiques de croissance, il me l’a accordé. Du moins n’a pas refusé ma non-présence pour le lendemain mais toléré une absence extraordinaire. Je ne serai pas payé. Aujourd’hui ou demain, je ne sais plus. Le virement du mois sera un peu plus aérien, mais je ne suis pas viré. Quant à mon chien, lui, ne l’oublions pas, a déjà viré. De l’autre côté.

J’ai pris ma bêche et j’ai creusé un trou carré, large et profond. En sa surface lissée au râteau dessinant des lignes parallèles, j’ai déposé mon chien. Quelques voisins sont venus pour la circonstance. Les uns par curiosité, les autres par pitié, nul par compassion. Il me semble, je ne sais pas. Au-dessus de sa couche encore fraîche, j’ai planté un arbre de Judée. Le Cercis siliquastrum était son arbre préféré pour pisser. En cercle.

Les voisins sont partis tous juste après avoir avalé le café que j’avais fait bien serré. Il n’y eut pas d’oraison, elle viendra ensuite, loin des intrus venus sans réelle raison. Je leur avais parlé de mon chien et par politesse, ils m’avaient écouté. Je leur ai raconté combien il était malade depuis plusieurs mois déjà. Il régressait, dormait souvent, comme faisant le mort. Selon de grands vétérinaires, dont la parole a valeur de veto, il était atteint d’une rare ignominie, une sorte de concert canin, le Pathos Marconi.

Je suis sorti. J’ai marché jusqu’au bout de la rue, puis j’ai attendu. Le car est arrivé. Je suis monté à l’avant, et en achetant mon billet pour le trajet, j’ai dit au chauffeur que j’allais prier. Il m’a prié de m’asseoir et de faire silence. C’est alors que j’ai remarqué un alignement de passagers déjà debout. Je n’ai pas bougé. J’ai simplement tourné la tête et regardé le paysage morne défiler par la fenêtre embuée. La ville était floue, ocre, puis grise, puis Terre de sienne. Jamais mienne. Il faisait chaud, on étouffait. Les rues dans le vague ne laissaient surgir que quelques ombres errantes par ci par là, des fantômes atones, vestiges de la vie humaine.

En face du café entrouvert, je suis descendu. J’ai traversé la petite place qui menait à l’église. Je suis entré dans son ventre froid. j’ai frissonné, puis j’ai prié. Eglise ou la vraie vie, ai-je pensé, sans me rendre compte que je commettais un jeu de mots grossier. Mon chien n’est plus de la vraie vie. Ou au contraire, il y est enfin. Je ne sais plus. Je suis dans l’église et j’attends mon chien.

chien_de_l__tranger_2

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Commentaires
A
Je viens de te découvrir dans les défis du samedi. Je crois que je vais revenir souvent.
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