CHIEN 26
Sous la morne lumière hivernale
Des lampadaires solitaires,
J'étale sur mon visage si pâle
Une couche de crème solaire...
On n'est jamais assez prudent. Surtout un soir de pleine lune.
J'avais lu quelque part que les rayons de la lune pouvaient être encore
plus dangereux que ceux d'une roue de bicyclette, qui a la bonne ou
mauvaise fortune (variable selon le grain de selle de chacun) d'en
posséder deux. Certainement une super-cherie. Une super-stition bien
ordinaire. Mais.
On n'est jamais assez prudent.
Et il paraît même que la clarté lunaire aurait une intensité bien plus
violente que l'ultra-violet du soleil. Elle pourrait provoquer sur les
figures innocemment découvertes, des éruptions de cratères
bouillantissimes qui transforment la peau de vos bonnes joues en crêpes
suzette. Alors.
On n'est jamais assez prudent.
D'autant plus que je restais planté là depuis quelques minutes déjà.
Quand alors, tout autour de la lune, les étoiles se mirent à danser. La
mauvaise, cette perfide, devait à coup sûr se cacher parmi ses joyeuses
consœurs. Et hop ! Une couche de crème en plus.
On n'est jamais assez prudent.
Bientôt une demi-heure ! Comme d'habitude, je l'attendais. Et comme
toujours, en retard ! Flâneries, errances, curiosités... quels vilains
défauts !!! Vite mon sombrero, que je me mette un peu plus à l'ombre.
On n'est jamais assez prudent.
Les cloches de l'église au loin sonnent une nouvelle heure qui s'évanouit...
Un écho au refrain de l'oisiveté comme couplet à tous ses retards.
Lèche-vitrine jusqu'au bout de la nuit, à se couper le souffle, la
langue pendante à force d'arpenter tous les trottoirs de la ville. Un
coup à finir la gueule dans le caniveau... comme la lune !
Ah ! Voilà ce que c'est que d'avoir un chien indépendant ! C'est décidé, demain, je lui achète une laisse... et une crème canin bon teint.
On n'est jamais assez prudent !
Merci à Joe Krapov pour sa magnifique photographie !