Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ecritures folles
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 129 492
10 mai 2010

CHIEN 27

Chien noir, chien blanc

derriere_le_mur


Dans ma ville, il y a un terrain vague - qui est pourtant plus proche de l'amer que de la mer - que l'on débarrasse de ses herbes folles que l'on écueil, pour en faire des miroirs brunâtres dans la boue. Effectivement, bientôt, plusieurs immeubles se dresseront en lieu et en place des pissenlits qui le tapissaient. Une fois défriché, on pourra peut-être enfin déchiffrer les tags ornant ce vieux mur gâté par le temps...Là s'arrête, comme mise au pied du mur, la modernité...

Je me suis toujours demandé ce qu'il y avait derrière ce mur que je n'ai jamais osé escaladé. J'ai toujours juste pu apercevoir un vieux bâtiment un peu en ruine, qui était sans doute un atelier quelconque du siècle dernier. Je l'ai parfois longé, mais c'est tout. Pourtant un jour de chance, si je n'ai pu voir au delà de ce tas de gravats moribond, j'ai pu écouter. Et surtout être le témoin auditif privilégié de cette drôle de rencontre.

C'était un chien - noir précisément, je le compris par la suite - qui avait arpenté toute la journée des trottoirs et des trottoirs, traversé des boulevards et des avenues. Après bien des kilomètres parcourus entre les jambes des humains sans croiser le moindre de ses semblables, il décida de se reposer dans cette zone qu'il connaissait vaguement, à deux pas du centre ville. C'est alors qu'il rencontra enfin un semblable, un vertébré carnivore et quadrupède, un collègue canin, celui-là blanc. Le chien noir était fou de joie, il avait une drôle d'envie de causer car c’était un sacré bavard et il n’avait pas eu l’occasion d’user sa salive par des aboiements réitérés depuis tant d'heures déjà ! Le chien noir salua alors le chien blanc et engagea la conversation :

- Salut pote canin, comment ça va toi ? Beau temps pour la saison hein ? Un vrai été indien, avec des plumes et puis tout ça…
Tout le tralala d’usage quoi.
Le chien blanc l’écouta bien poliment et resta quasi-coi, se contentant d’émettre de légers jappements approbateurs par-ci par-là. C’était un chien timide qui ne conversait que très rarement avec des étrangers, ne sortant presque jamais de son trou.
Le chien noir continua donc de bavasser avec grand plaisir :
- Dis donc, avec ce soleil de plomb, t’es plutôt pâlot toi, t’es tout blanc. Pas même une tache noire ici et là. T’es pas malade au moins ? Tu restes à la niche toute la sainte journée ou quoi ? Pas baroudeur pour un clou, hein ? Bourlinguer c’est pas dans tes cordes, pas vrai ? Cendrars tu connais pas ?
Et le chien blanc, toujours aussi poli - on pourrait même dire zen, tant il ne faisait pas de bouddha ni blanc ni noir ! - lui expliqua qu’effectivement, il n’avait que trop succinctement l’occasion de muser en extérieur. De surcroît, il s’était établi avec une charmante petite taupe. Aussi passait-il la majeure partie de son temps sous terre, d’où son teint hâve, déjà peu mat d’ordinaire.
- Ouais ouais, ça explique les choses ta situation. Tandis que moi, j’ai une magnifique niche, dans un terrain vague, derrière chez le garde-barrière du RER, bien planqué, encerclée de bidons. Et c’est pas n’importe quelle niche mon pote ! Niche avec toit ouvrant vitré. Même dedans, j’suis dehors, j’dors à la belle étoile quand j’veux sans risquer une pneumonie. J’vois le ciel noir tout étoilé, parfois même bleuté par la luminescence d’un quartier de lune. J’vois même les étoiles de Dakar et le croissant d’l’Algérie ! C’est chouette non ?
Le chien blanc acquiesça d’un cou de tête bref et enchanté. Un sourire se dessinait sous ses babines. Le chien noir profita de cette courte pause pour ravaler sa bave. Il enchaîna assez rapidement :
- Dis donc, t’as pas les crocs toi ? I’s’fait tard et j’ai l’estomac qui fait des bulles, ça tempête méchamment le creux là-d’dans ! Viens partager ma gamelle, vieux, ça te changera de ton trou. Et puis si tu veux, invite ta p’tite taupe chérie, y’a pas de problème. Plus on est de fous, plus on aboie en chœur.
C’est à ce moment que le chien blanc devient blême, là semblait être le 'blème. De blanc, son teint devint blanc translucide. Livide. D’une transparence quasi entière. Proche du plus blanc que blanc coluchien. Mais tout ceci ne restait qu'apparat d'apparence. En-dedans, ça cogitait, ça palpitait dur.
Finalement, tout en bafouillant, il se lança dans de vastes explications. Il raconta au chien noir que sa chère et tendre ne pouvait pas sortir de ces galeries, non pas parce qu’elle était asociale- au contraire, elle adorait épater la galerie – mais parce qu’au-dehors elle ne voyait que goutte. Elle était tout simplement myope. Comme une taupe évidemment. Alors, pour parer à cet inconvénient, pour voir du monde et ne pas rester isolée, elle recevait. Dans son trou noir, elle organisait des nuits blanches très festives. Voilà ce qui l’embêtait, le chien blanc, voilà pourquoi sa p’tite taupe modèle ne pourrait hélas pas venir dîner en cette niche céleste.
- Je comprends bien, lui répondit le chien noir, elle ne peut pas venir. Enfin, tant qu'elle n'est pas presbyte, hein.... Mais éclaircis-moi ce point qui reste noir pour moi. Tu dis qu’elle ne voit rien dehors, normal, c’est une taupe, et donc elle est myope, c’est logique. Pourtant, il fait bien sombre chez elle, puisqu’elle crèche sous terre. Je ne comprends pas comment elle peut y voir mieux que sous cette magnifique lumière printanière qui rayonne autour de nous !
- C’est parce que chez elle, elle a ses verres…ses vers de terre bien sûr !
Ils s’esclaffèrent tous les deux. Waf waf waf.
- Décidément, reprit le chien noir, les larmes aux yeux, les babines encore riantes, faut pas qu’on s’quitte comme ça, on fait une sacrée paire tous les deux, pas vrai ? Chien noir, chien blanc ! Extra !
-C’est juste.
- Allez viens, j’t’invite dans mon palace, tu verras c’est byzance et la bouffe y est correcte et en abondance.
- Oui, mais ma p’tite taupe…
- Eh ! Oh ! T’as l’droit d’sortir tout seul, non ? Envoie-lui un mail quoi ! Il doit bien y avoir un câble qui passe chez elle, ça pousse partout sous terre et mers ces machins-là !
- C’est encore une fois juste. Mais je n’ai pas le matériel nécessaire pour lui …
- T’inquiètes, j’ai tout c’qu’il faut chez moi, même une webcam, alors tu vois, t’as pas d’bile à t’ faire. J’ai commencé à m’équiper en piquant la souris à trois clics au chat du garde-barrière. Du coup, depuis, il tourne tellement en rond, que ça en devient ron-ron !
Les deux nouveaux amis repartirent patte dessus patte dessous. Ils passèrent une soirée inoubliable, tellement inhabituelle pour le chien blanc, émerveillé par le sens de la fête et de la convivialité qui était comme inné chez le chien noir. Ils mangèrent copieusement, ne cessant de discuter, et trinquèrent à la pérennité de leur amitié naissante. Puis, ils finirent la soirée en regardant un bon vieux Kusturica bien croustillant et écoutèrent quelques tubes des Dogs, groupe phare des canidés. Ils rigolèrent bien. S’ensuivit un débat critique au cours duquel ils s’enflammèrent comme des chiens de paille. Mais bien vite, ils éteignirent l’incendie en versant des torrents de larmes, captivés par La Belle et le Clochard, puis Les 101 dalmatiens.
Au chien noir de conclure :
- Mon pote le chien blanc, t’es trop taupe-cool !

waf waf waf (Rires)


Publicité
Publicité
Commentaires
S
Ouhaf ???!!!<br /> Waf wawawaf waf waf !!!
Répondre
P
ouhaf !
Répondre
Publicité