La Croisée des chemins
Il se trouve, non loin de chez moi, un parc qui est comme une
traverse verdoyante dans la ville bétonnée et que l'on nomme La Promenée
des petits bois. Une touche de peinture verte sur la toile monochrome
de cette ville grisâtre, qui n’est coupée de Paris que par la ronde
automobile du périphérique, véritable frontière entre la capitale
française et sa banlieue.
Dans cette coulée verte miniature, se dresse une butte de terre
herbeuse, sur laquelle deux chemins de boue miroitante se traversent
pour dessiner une croix. On eût dit un coin de campagne oubliée que l’on
a autrefois marqué pour le supprimer. Sur le haut de cette collinette,
un peu en retrait, une are venue de nulle part surgit, laissant
découvrir un champ d’herbes folles et de fleurs violacées croissant en
bataille.
Au bout de ce parc que j’aime à traverser, un chemin de cailloux
cimentés monte en formant des mini-lacets de montagne apprivoisant un
col. Au sommet de ces virages qui serpentent, avant l’avenue qui remonte
sur Paris, ne se trouve pas l’Alpe d’Huez ! mais une aire de jeux
constituée d’une cahute en bois peint, ressemblant à un petit lavoir, et
de deux animaux à ressorts qui se dandinent.
C’est en ce faîte, au crépuscule automnal, que mon fils se fait une
fête à l’idée de s’amuser follement. Non pas, avec les différents
éléments de cet ensemble ludique préfabriqué, mais en collectant des
pédoncules de feuilles d’érable et en les amassant en un monceau de
brindilles, destiné à s’enflammer dans l’âtre imaginaire de sa cabane
polychrome.
Et c’est ainsi que, dans cette Promenée des petits bois, mon petit bonhomme a ramassé son premier bâton, servant à peinturlurer dans la gadoue, à quelques mètres de la croisée des chemins qui signale aux regards avisés, un petit coin de paradis.
© Photographie : giu