Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ecritures folles
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 129 503
20 février 2012

La Porte

 

Main_sur_la_porte 

 

J'ai la main sur la poignée de la porte et pourtant, je n'ose pas faire ce mouvement avec ma main qui permettrait de baisser cette poignée et d'ouvrir cette porte. Je ne le sais pas encore mais je n'allais pas regretter d'avoir mis des gants pour la circonstance. Mes jolis gants noirs en cuir véritable...

Aujourd'hui Maman est morte...ou hier peut-être mais qu'importe, elle est morte. Et, cette porte...

Paralysé. Ce ne sont pourtant pas la peur, ni le trac, ni le chagrin, ni la colère qui me lient indéfiniment à cette satanée porte.

La porte d'entrée de chez ma mère.

Aucun sentiment particulier, aucune humeur extravagante n'anime mon corps en ce moment. Non, je ne comprends pas ce qui m'arrive. La fatigue peut-être...

Elle repose à quelques mètres de là sur son grand lit blanc aux milieux des fleurs aux parfums enivrants. Il ne fallait pas mettre trop de lys. Ils dégagent une odeur entêtante. Des camélias plus de camélias.

Que m'arrive-t-il ? Je ne panique pas et j'essaie à nouveau de retirer ma main de cette maudite poignée mais plus j'essaie de l'enlever et plus ma paume adhère à sa matière froide comme du marbre. Je crois que j'ai encore perdu. Suis-je le premier à venir ? Je regrette de ne pas avoir sonné. Et si d'autres sont déjà arrivés comment ont-ils fait pour franchir ce seuil ? Oui, car ils vont tous venir c'est sûr... Ils ont entendu ce cri comme dans la chanson, vous savez La Mamma...

Il est encore bien tôt. Il ne serait tout de même pas étonnant que je sois le premier à vouloir ouvrir cette porte. Mais non, j'entends derrière moi des gloussements qui se transforment en ricanements, à la limite de l'explosion. Ce sont Enzo et Fabio mes petits neveux, eux-mêmes cousins. Donc cela veut dire que, Anna et Giuseppe sont arrivés ainsi que Paolo et Elena, leurs parents respectifs.

J'aperçois ces deux petits coquins qui se croient cachés derrière le laurier que le jardinier a cru bon de couper en pointe. Il faut dire qu'il a bien grandi l'alloro. Ce n'était qu'une petite tige lorsque j'étais enfant, que l'on effeuillait régulièrement pour assaisonner nos plats... les Zucchine trombette, l'Osso buco in salsa gremolata, les Gnocchi alle Carote... et tant d'autres délices cuisinés par ma mère. Cet arbuste a bercé mon enfance ainsi que mon estomac...

Et plus je me débats et plus les rires fusent. Ils ne pleurent pas, ils s'amusent ! Pourtant, Maman est morte. Et eux deux n'ont pas l'air triste. Se cachent-ils derrière cette fausse joie ? Non, je ne pense pas. C'est la Mamma qui est morte mais pour eux, elle est tellement loin... ce n'est qu'une vieille arrière-tante, qu'ils ont à peine connue. Alors évidemment. Tout continue. La mort, la vie. Mamma et les enfants...


Oui eux sont la vie, l'avenir. Finalement je pense que maman serait contente qu'il y ait cette liesse autour d'elle en un jour pareil.

Je souris béatement à cette pensée sur le point de pleurer encore plus béatement – la fatigue peut-être – quand je comprends enfin ce qui me retient tant à cette porte. Ces deux garnements ont enduit la poignée avec une colle forte... Et c'est moi qui ai été piégé ! C'est à mon tour alors d'éclater de rire. Oui les enfants ! Vous avez raison ! Continuons ! Vivons ! Rions ! Vous êtes la vie. Restons vivants, prenez-nous par la main !

Et comme je ne voulais pas sortir de mes gonds dans une circonstance pareille, je sortis tout simplement de mon gant...

Puis comme chaussé de bottes de sept lieues, je courus à grandes enjambées pour attraper ces deux farceurs ! Ils ont ri de plus belle en tentant de m'échapper puis ils m'ont pris par la main et m'ont emmené.


 

Merci à ©L Jonchere pour l'illustration.

(Avec son joli coup de crayon, Il m'a donné un sacré coup de main !)


Publicité
Publicité
Commentaires
S
Merci à toi pour ce commentaire pertinent !!! (ça colle je crois !)
Répondre
N
C'est la mort de la Mamma, oui, mais la mort de quelqu'un, d'un proche, si triste soit-elle, fait aussi partie de notre vie, qu'on le veuille ou non, et celle-ci doit continuer son cours, coûte que coûte. <br /> <br /> J'ai aimé cette lecture, et au fur et à mesure, je me disais "mais allez, pourquoi est-ce qu'il n'ouvre pas cette satanée porte"... Bah oui, je n'avais pas imaginé la colle forte ahahah... <br /> <br /> <br /> <br /> Bonne journée Seb, à bientôt !<br /> <br /> <br /> <br /> NH
Répondre
Publicité