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11 juin 2013

Les Poèmes de A. O. Barnabooth (2)

 

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Avant de lire et d'écouter le deuxième poème d'A.O. Barnabooth, je vous propose de poursuivre notre discussion sur l'utilisation mystérieuse - voire divinatoire ! - du terme introductif du recueil : Borborygmes.

Certes, si ce substantif a été choisi ici par Valéry Larbaud, c'est bien pour sa force poétique, entre avant-garde et rococo. Toutefois son utilisation n'est pas due au hasard... Je pense en effet, que ce vocable très spécifique a bercé l'enfance, l'adolescence et la jeunesse de Valéry Larbaud...

Alors que je venais de découvrir ce recueil depuis peu de temps, j'ai fait une autre découverte étonnante (pour moi)... En ouvrant un ouvrage ancien de philosophie (de la fin du 19e siècle), une coupure de presse jaunie, coincée entre deux pages anonymes, est tombée à mes pieds. Elle était pliée en quatre - sans avoir la moindre envie de rire – aussi je fus piqué par la curiosité .Je la ramassai et la dépliai donc. Une chronique plutôt insolite intitulée La couleurs des sons et le son des couleurs écrite par un certain Émile Gautier dominait la page ici élue du quotidien. Malgré tout, je fus irrémédiablement attiré par une publicité assez discrète qui se trouvait en bas à droite :

 

IMG_6799

 

 

Quelle coïncidence incroyable !!! Extraordinaire !!! Mais bien vite, j'ai tout de même du mal à croire en un hasard fortuit. Je poursuis donc une recherche sur Internet, qui se révèle parfois un outil formidable tout de même !!!

Je découvre alors, que Nicolas Larbaud, le père de Valéry Larbaud, est le fondateur de l'embouteillage des eaux de Saint-Yorre. Au milieu du XIXe siècle, ce pharmacien, propriétaire d'un terrain marécageux à Saint-Yorre près de Vichy, découvre sur ces terres les sources de cette eau minérale qui a des propriétés gustatives et physico-chimiques intéressantes selon lui. Il obtient alors l'autorisation de l'embouteiller en 1859. Ainsi naît la fameuse eau Larbaud-Saint-Yorre, qui deviendra Vichy Saint-Yorre puis enfin tout simplement Saint-Yorre. (Voir ICI)

J'imagine donc que Valéry Larbaud a entendu souvent son père et ses collaborateurs employer le mot Borborygmes ! L'eau de cette source, dès le début était réputée excellente pour la digestion.

Mais revenons-en aujourd'hui au poème qui initie véritablement le recueil, après le prologue Borborygmes...

Il s'intitule Ode et avec lui, le voyage physique et poétique de Barnabooth commence véritablement.

En train. Car c'est une Ode à ce premier moyen de transport qui est ici présentée comme riche (luxe de l'apparence qui tranche parfois avec l'aridité des paysages et l'apprêt des mots). C'est un voyage rutilant, lancinant, presque hallucinant qui emmènera alors Barnabooth dans une exploration sensorielle... Plusieurs images de plusieurs voyages semblent s'entremêler (différents lieux géographiques et évocation du Nord-Express comme de l'Orient-Express)

Dans mon adaptation musicale de ce poème, j'ai essayé de conserver cette impression lancinante (au rythme du train) et hallucinatoire (défilement des images comme dans un film) que laisse le texte...

Je vous souhaite bonnes lecture et écoute.

 


 

 

ODE

 

 Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce,
Ton glissement nocturne à travers l'Europe illuminée,
O train de luxe! et l'angoissante musique
Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré,
Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre lourd,
Dorment les millionnaires.
Je parcours en chantonnant tes couloirs
Et je suis ta course vers Vienne et Budapesth,
Mêlant ma voix à tes cent mille voix,
O Harmonika-Zug !

 

J'ai senti pour la première fois toute la douceur de vivre,
Dans une cabine du Nord-Express, entreWirballen et Pskow.
On glissait à travers des prairies où des bergers,
Au pied de groupes de grands arbres pareils à des collines,
Étaient vêtus de peaux de moutons crues et sales...
(Huit heures du matin en automne, et la belle cantatrice
Aux yeux violets chantait dans la cabine à côté.)
Et vous, grandes places à travers lesquelles j'ai vu
passer la Sibérie et les monts du Samnium,
La Castille âpre et sans fleurs, et la mer de Marmara
sous une pluie tiède!

 

Prêtez-moi, ô Orient-Express, Sud-Brenner-Bahn,
prêtez-moi
Vos miraculeux bruits sourds et
Vos vibrantes voix de chanterelle ;
Prêtez-moi la respiration légère et facile
Des locomotives hautes et minces, aux mouvements
Si aisés, les locomotives des rapides,
Précédant sans effort quatre wagons jaunes à lettres d'or
Dans les solitudes montagnardes de la Serbie,
Et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses...



Ah ! il faut que ces bruits et que ce mouvement
Entrent dans mes poèmes et disent
Pour moi ma vie indicible, ma vie
D'enfant qui ne veut rien savoir, sinon
Espérer éternellement des choses vagues.

 

 

 

 

 

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Commentaires
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C'est fascinant ! <br /> <br /> Il y a fort à parier, en effet, que l'évocation du mot "borborygme" par Larbaud ne doit rien au hasard. Tu t'es lancé dans une explication très intéressante !<br /> <br /> Depuis la lecture du premier volet de ton hommage à ce poète, j'ai éprouvé la curiosité d'aller en savoir plus sur l'homme et son travail. Merci pour ce partage.<br /> <br /> Quant au poème "Ode", on s'y perd agréablement, comme si l'on était soi-même Barnabooth. Cette impression de voyager au fil des rails, vers ces contrées lointaines et mystérieuses, à un moment donné, s'avère être plus qu'une impression, justement. Et que dire de ton interprétation ! L'accompagnement musical transcrit parfaitement le rythme du train. Je trouve. Et c'est un mélange à la fois de bruit (tchou-tchou) et de silence (le sommeil des milliardaires ?). Beau travail !
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