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16 mai 2015

Le Marcheur du Val

 

pont_reflets

 

Un trou de verdure se reflétait sous l'arche du vieux pont de pierre. Il se lovait entre ombre et lumière, le soleil jouant, un deux trois, rien ne bouge... aux clairs-obscurs avec les blancs cailloux de la rivière.

Nulles mousses ne surgissent entre ses rayons, tout est calme et alangui au fond du petit vallon. Tout est si tranquille, tout semble si paisible que l'on ne se méfie pas de cette eau limpide qui dort. Silencieusement. On n'entend que les notes mélodieuses d'un léger clapotis et le chant de quelques grives musiciennes cachées dans les arbres agrémentant les abords des rives. Malicieusement.

Devant un tel tableau, on ne résiste pas bien longtemps. L'envie est irrésistible.

On se déchausse, on ôte ses chaussettes qu'on jette négligemment en tire-bouchon dans l'herbe verte et fraîche. On remonte en accordéon son pantalon sur le bas des mollets. On est déjà heureux d'avoir les pieds un peu à l'air. Comme cela fait du bien après toutes ces heures de marche ! On joue un peu avec ces doigts de pieds en les offrant à la brise tiède qui virevolte au-dessus de sa tête.

On est un peu excité – comme de jeunes enfants qui vont se baigner – à l'idée de tremper un orteil puis deux, puis trois, puis le pied entier et finalement, le deuxième, dans ce si beau reflet de verdure. L'eau est froide mais ne glace pas les sangs. On est bien. On sourit béatement. On s'en fiche. On est seul, on est bien. Les muscles se décontractent, les pieds délacés, c'est le corps tout entier qui se délasse...

Après ce bain de jouvence, on s'assoit au bord de la rivière et l'on admire encore ce joli pont de pierre baigné par une tendre lumière du soleil. On grignote quelques fruits secs, abricots, figues ou raisins. Noisettes, noix ou amandes. On boit une rasade d'eau tiédie au goulot de sa gourde. Puis, presqu'à contrecœur, on se prépare à nouveau pour continuer sa route. On remet difficilement ses chaussettes tire-bouchonnées, puis les lourdes chaussures de randonnée. Le bas du pantalon est légèrement humide mais tant pis, il séchera bien assez vite au fil des kilomètres restants. Courage, il est temps de repartir, il reste encore du chemin avant d'atteindre la prochaine étape. Pour se donner de l'entrain, on sifflote un peu.

Et, comme le dit la chanson, il suffit de passer le pont... et c'est tout de suite l'aventure. De l'autre côte de la rive, la lumière semble différente, le reflet s'assombrit légèrement. On ressent un petit pincement au cœur sans trop savoir pourquoi puis machinalement on se met à murmurer ces célèbres vers :

 

C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

 

Et l'on s'attend à tout instant à trouver allongé à ses pieds le corps d'un soldat au visage souriant... Un frisson nous parcourt l'échine et le trou de verdure qui se reflétait encore il y a deux minutes sous l'arche du vieux pont de pierre prend une teinte rougeâtre. On quitte bien vite cet endroit qui nous paraissait pourtant si enchanteur en se disant que ces reflets n'étaient que des miroirs trompeurs, de troubles doubles déformant la réalité. A moins que cela ne soit l'inverse...

 

Crédit photo : Tisseuse
Cette photographie a servi de consigne d'écriture sur le site des Impromptus littéraires

 

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Commentaires
L
Superbe!<br /> <br /> Pfff! Oui superbe! J'en reste sans souffle.
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N
Salut Seb !<br /> <br /> C'est forcément avec enthousiasme que je viens mettre mon petit grain de sel. L'image t'a inspiré un bien joli texte. Avec une fin quelque peu morbide, mais ce n'est qu'une vue de l'esprit (dirons-nous) :P
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B
Superbe! Je n'ai plus le temps de vous lire aussi souvent mais quel plaisir ! Merci
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J
Allons, allons ! Pas de pessimisme ! Il n'y a guère de guerre chez nous ! Ou alors pas encore ! Ou sinon c'est à l'insu de mon plein gré. De toute façon, les ponts et les rivières n'y sont pour rien !<br /> <br /> <br /> <br /> Kwaï baby kwaï, make your mother sigh !<br /> <br /> <br /> <br /> Ok, je sors !
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C
Tu as écrit là un merveilleux texte, Seb.<br /> <br /> C'est frais, c'est plein de sensibilité, et en plus, c'est un bel hommage à Rimbaud et ce poème qui est une pure merveille.<br /> <br /> Bravo, et merci pour ce moment de bonheur littéraire que tu m'as donné.<br /> <br /> ¸¸.•*¨*• ☆
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