Monsieur Chien

et Mademoiselle Queen

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II était une fois Monsieur Chien qui nichait sur une péniche. Il vivait au fil de l’eau car, contrairement aux chats qu’il adorait martyriser, il aimait l’eau. Ah ! c’était quelqu’un de très occupé Monsieur Chien, il en avait des chats à fouetter ! L’eau ne dormait jamais avec lui, elle n’était que mouvements. Quel remue-ménage quand il barbotait en plein milieu d’un étang ! Des ploufs, des vagues, des raz-de-marée !

Bizarrement, Monsieur Chien ne pêchait jamais alors qu’il aurait pu le faire à domicile. Non, il préférait la chasse. Il lui arrivait souvent, lorsqu’il jetait l’ancre dans un canal, au bord du chemin de halage, de s’enfoncer dans des enclaves boisées, allant chasser la perdrix, le faisan et le levraut. Il se piquait d’être un as sans cœur pour tirer les lapins cachés dans le trèfle et la luzerne. Il faut dire qu’il possèdait un superbe fusil, d’une efficacité redoutable et d’une précision chirurgicale. En effet ce fusil était équipé d’un magnifique chien, évidemment ! Voilà pourquoi il pouvait aisément viser ses proies et faire mouche quatre-vingt quinze fois sur cent.

Lorsqu’il passait les écluses, Monsieur Chien faisait passer le temps en éclusant des bières – qui n’étaient pas de la pisse de chat – et en se goinfrant de hot-dogs. Il lui arrivait parfois aussi de converser avec les éclusiers et de leur proposer des chat-rades. Monsieur Chien était friand de toute sorte de jeux de mots et n’était jamais en rade. Ce qu’il préférait par-dessus tout, c’est le moment où on donnait sa langue au chat.

Lorsqu’il pleuvait, qu’il faisait un temps à ne pas mettre un chien dehors, il restait nicher dans sa péniche, aimant la musique et l’activité physique, dansant le plus souvent. Il s’entraînait particulièrement à faire des entrechats et à régler ses pas de cha-cha-cha, ou encore à rester dans le rythme du fox-trop le plus longtemps possible. Il était inépuisable, s’échinant sur les rythmes qui avait du chien, dansant parfois encore alors que le soleil s'était de nouveau levé depuis des heures ; puis lassé, il finissait par se coucher. Il lui arrivait même parfois de sortir le soir pour continuer à danser dans des boîtes campagnardes désuètes où l’on pouvait se laisser bercer par des airs obsolètes. On pouvait swinguer et rocker sur des chansons des Stray Cats, des Chats Sauvages, s’éclater sur des variétés de Joe Cocker, de Michel Berger ou de Maxime le Fox-terrier et se gameller en toute beauté sur les ryhtmes pâteux des Dogs.

Au cours de l’une de ses virées nocturnes, à l’heure où tous les chats sont gris, même les chats noirs jazzophiles, il fit une rencontre qui allait bouleverser sa vie. Elle s’appelait Mademoiselle Queen. Cette charmante jeune femme l’attira dans ses griffes, le fit aboyer de joie frénétique, tel un loup Tex Averien. Elle le rendit heureux tel le chien Tex Averien itou (-tou). Ils dansèrent ensemble jusqu’au bout de la nuit, jusqu’à cette minute bleue que l’on n’a jamais l’occasion d’entendre. Les jours suivants passèrent. A chaque aube, Monsieur Chien se réveillait le cœur léger, qui faisait boum, sachant qu’il retrouverait sa dulcinée aux mains de velours. Monsieur Chien n’était jamais resté aussi longtemps au même point d’amarre. Ordinairement, il aimait naviguer chaque jour ou presque, partir en errance en poussant son existence quelques lieues plus loin.

Mademoiselle Queen adorait les chats et en possédaient plusieurs. Monsieur Chien ne les dérangea nullement, les taquina bien un peu mais avec tant de gentillesse. Il aimait particulièrement une petite chatte noire de Mademoiselle Queen avec laquelle il aimait jouer longuement. Ce qui fit grand plaisir à Mademoiselle Queen, un peu coquine il faut le dire. Et bientôt, les deux tourtereaux ne purent se passer l’un de l’autre. Aussi vécurent-ils ensemble longtemps et toujours heureux. Normal puisqu’ils étaient comme chat et chien !

Illustration : ©Lionel Le Néouanic

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