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7 septembre 2008

CHIEN 5

Exceptionnellement et en exclusivité, voici un texte bien dominical... (mais que cela ne devienne pas une habitude, je ne suis pas un travailleur du dimanche !)


Les Pêcheurs du dimanche matin


chien_bar_1Peu chère les pêcheurs ! Tous en ligne le long du comptoir.

C’est un dimanche matin. Dans un petit bistrot de banlieue, à l’heure de la messe désertée, un bistrot qui se veut aussi clinquant que la brasserie parisienne, mais qui ne peut en être qu’un pâle ersatz.

Un bar-tabac ouvert le dimanche en banlieue… Autant vous dire qu’il y a foule. On fait la queue jusque sur le trottoir pour acheter ses cigarettes, ces quelques tiges consolatrices des week-ends moribonds. Quelques réserves pour la semaine qui s’annonce, un peu de fumée malsaine pour tenir le coup encore une fois, jusqu’aux congés payés bien mérités. Quand on a encore la chance de travailler, autrement c’est pour emplir de volutes le vide de toute journée.

A l’intérieur, ça bat son plein. Les pastagas et les demis à la pression pour les demi-portions, coulent à flots et une fumée blanche et épaisse envahit tout l’espace du sol jusqu’au plafond pas si haut que ça. (c'était à une époque non lointaine où les fumeurs avaient encore le droit de crachoter dans les bars...)

En plus de sa qualité de bar-tabac, le bistrot fait PMU. Voilà donc la réponse du pourquoi de l’ouverture de ses portes le dimanche. Entre deux tournées d’apéros, on remplit ses grilles équestres, on coche des petites croix par ci par là, gagné par la fièvre ludique, happé par l’appel du gain, espérant un peu moins de pauvreté le lendemain.

Lui, est seul, serré dans le rang, comme un hareng, le long du zinc en formica. Il vient de faire ses courses revenant paisiblement de son marché dominical. Des poireaux déplumés et des carottes gigantesques dépassent de son sac en osier, posé sur le sol carrelé où s’entassent pêle-mêle, mégots, papiers gras et froissés, cacahuètes ratatinées. Il boit un café. L’intrus ! Et l’apéro alors ! Il est comme un témoin invisible, si anodin, de ce petit monde don camillesque, réuni par le tiercé, nageant dans des zéphyrs tabagiques, autour des glaçons baignant feignantement dans les verres de 51, ou des bulles explosant au faîte des chopes de 16. Il est un témoin de ce monde qui se retrouve et se cotoie hebdomadairement, pour partager les petites misères de l’existence, pour les oublier.

Il ne prétend pas avoir une grande vie, cela ne signifie rien, mais il est en cet endroit comme de passage et non en pèlerinage. Ce n’est pas une routine sacrée pour lui, ce n’est pas une église populaire, autre que catholique qu’ici. Ce n’est rien qu’une étape sur le chemin d’un retour vers un inconnu. Lui, qui se sent comme un voyeur, un témoin déiste, il est le seul à remarquer un téléviseur discret, privé de tout gargarisme sonore, surélevé dans le coin droit, au fond de la salle, juste avant les toilettes. Sur cette mire muette, défilent des images représentant une messe dominicale, étouffées de tout cantique et de tout sermon. Bye bye prêcheur, bonjour pêcheurs.

Et il est encore le seul à remarquer qu’un seul être est véritablement absorbé par les rituels de cette messe télévisuelle. Car assis bien sagement face à l'écran, se dresse un berger allemand les oreilles aux aguets, la langue pendante et l’œil flou. Le chien du bistrot certainement, à l’heure de l’apéro, qui fait honneur au prêche d'un évêque, en oubliant les bruits qui tournent tout autour de lui.

Chien_bar_2

©Yves Pasdelou pour les illustrations.

Merci à lui !

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Commentaires
S
Un portrait de bistrot d'avant... On trouve les mêmes aujourd'hui moins les volutes géantes.<br /> Je transmettrais tes compliments à l'auteur des illustrations. Ca me fait plaisir pour lui, tiens !
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J
Très belle illustration et très beau portrait de bistrot. Tous ceux qui cherchent leur chat lui trouveront un air de famille avec celui de Jean-Pierre B. et Agnès J.
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