L'Ecole des chiens

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Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais aujourd'hui, on fait beaucoup de choses pour nos amis les chiens, en matière de développement commercial. Il existe des coiffeurs pour chiens, des magasins de vêtements canins, des psychologues, des agences de voyage, des halte-garderies, des épiceries fines, des chauffeurs-promeneurs, des toiletteurs en tout genre... et j'en passe et des médiocres.

C'est par un hasard curieux qu'un jour, j'ai réussi à dénicher encore mieux que ça. Au milieu de la campagne verdoyante, perdue au fin fond d'un vallon du massif armoricain, une drôle de batisse accroche mon regard rêveur de promeneur solitaire. Un écriteau en bois au milieu d'un haut portail en fer forgé attire mon attention. On pouvait y lire : Ecole canine : formation initiale et continue. rééducation en tout genre.

A peine rentré chez moi, je me connecte à Internet pour trouver les coordonnées de cette fameuse école qui attise ma curiosité. Après une très longue navigation, de naufrage en naufrage sur des pages web désertes, Je finis par tomber sur un site qui cite cette école. Mais ma plus grande découverte, à ma grande stupéfaction, fut de réaliser qu'il existait des centaines et des centaines d'écoles de ce type, disséminées ça et là dans les contrées les plus diverses de notre pays.

J'attends patiemment jusqu'au lundi et appelle l'école. J'ai l'honneur de parler à la directrice qui finit par me convaincre d'y inscrire à l'essai mon certainement adorable petit chien.

Bien sûr, il s'agit d'une école mixte, le monde des chiens s'adapte au monde présent des humains puisque ce sont eux qui le modélisent. D'ailleurs, on ne pouvait pas, dans nos petites têtes d'humains, concevoir un seul instant, une école de chiots parallèle à une école de chiottes !... (même si dans le monde humain actuel, on aboutit un peu à ça...)

La semaine suivante, j'emmène enfin mon chien à cette fameuse école et j'appréhende autant que si j'emmenais mon fils pour la première fois au primaire. J'avais beau essayer de me raisonner, rien à faire, je restais incontestablement nerveux. Ce n'est qu'un chien, ce n'est qu'un chien... résonnait comme un refrain dans ma boîte crânienne, lourde et bourdonnante.

Quand je le laissai enfin au milieu de ces nouveaux petits camarades, je fus soulagé. Il avait l'air content de voir des gueules nouvelles. J'appris alors qu'eux aussi, comme dans toute école, avaient le droit à des récréations. Les leçons pour être efficaces devaient être ponctuées de pauses défouloires qui font le plus grand bien à nos amis les canins. Durant ces récréations, dans ces aires de jeux joyeuses, la meilleure des plaisanteries canines était de proposer de jouer au chat. Attention Chiens marrants. Sérieusement, il y avait un jeu qui avait sacrément la cote, chez nous pourtant devenu désuet : les osselets. Nos amis les chiens avaient adapté les règles de ce jeu ancestral à leur comportement animale. Ils lancent les osselets okay, mais pour les rattraper il faut les croquer en plein vol.

Je trouvais ce petit monde bien amusant, presque attendrissant. Je n'étais pas mécontent d'y avoir placé mon chien, un petit caniche bien hargneux sous ses airs faussement tendres et mignons tout plein comme le sont en général les caniches. La première semaine, chaque soir en rentrant de l'école, il m'en aboyait de bien bonnes et me jappait des confidences sous le tapis à n'en pas finir. Ces bons moments de rigolades et de camaraderies ne durèrent pourtant pas.

Dans la classe des minots, il jouait les caïds, surtout que je lui avais acheté un beau manteau rouge, apparat indispensable du gentil petit caniche, en guise de blouse d'écolier. Mais dans la cour de récré, la chanson n'était pas la même. Face aux bergers de toute sorte, aux dobermans, aux pitbulls bien qu'emmuselés, aux bull-dogs et autres bulles c'était zéro. Il était meilleur en cours que dans la cour. Il se faisait alors tout petit tout mignon. Il s'est pris quelques accrocs et beaucoup de coups de crocs car les vilains bulleurs jouaient au loup et au petit chaperon rouge. Evidemment, avec sa tenue, il était toujours tenu de jouer le petit chaperon rouge. Je lui ai alors acheté une nouvelle blouse, blanche cette fois-ci. Il devint un agneau. Je la change alors pour une jaune, pauvre petit poussin ; pour une rose, pauvre petit cochon sans maison ; pour une marron, pauvre petite biche fuyant la meute ; une grise, pauvre petit minou qui ne sait même pas grimper aux arbres... Il en voyait de toute les couleurs.

Je finis par lui retirer toute tenue vestimentaire mais comme rien n'y fera, par le retirer de l'école canine. toutes ces querelles d'écoliers me coûtait cher en habits, en soins vétérinaires, mais malgré tout je faisais face sans perdre la face. En vérité, si je décidai de garder mon chien chez moi, c'est parce qu'il ne mangeait rien à la cantine canine. Tous les soirs, la première chose qu'il faisait en rentrant à la maison, c'était de se jeter comme un enragé, qu'elle soit vide ou pleine, sur sa gamelle. Et, inévitablement, à chaque fois, il se prenait des... gamelles !

CHIEN 12

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