Petit plaisir horticole 1

Le soleil est revenu ! Mais pas comme je le pensais...

Le retour du soleil

Elle avait apporté des fleurs de tournesol qu'elle avait cueillies dans son jardin. Bellemine, mon arrière-grand-mère avait pensé que sous ces nuages, elle nous ferait grand bien en amenant un peu de soleil, même s'il n'était que végétal. Elle était venu jusque chez nous à pied, bien que trois bonnes lieues nous séparaient. A quatre-vingt deux ans, ce n'était pas mal. Elle n'aura pas fait de marathon pékinois, mais une marche sancerroise car elle habitait non loin de Chavignol près des coteaux gorgés de raisins bien connus des viniphiles. Elle avait dû traverser en long et en large son petit village. Elle commença par descendre une petite rue pavée qui menait à la place de l'église, blanche comme un tuffeau de Touraine. Une petite fontaine chantante invitait à faire une halte sur un banc de bois vermoulu qui lui faisait face. Mais pas question pour Bellemine de s'arrêter ! Cela la fatiguerait plus. La meilleure façon de marcher c'est de poursuivre sa route. Elle pouvait voyager loin, rien qu'avec ses deux pieds chaussés des meilleurs sabots du canton, sans monture à ménager. Il lui fallait ensuite rejoindre la rue principale, passer le pont surplombant la Voltige, puis remonter par des petits chemins caillouteux traversant les vignes. C'était un petit périple qui aurait harassé bon nombre de randonneurs amateurs.

Elle arriva chez nous toute pimpante, en pleine forme comme si elle n'avait pas fait cette marche qui normalement déquille les jambes et alpague les genoux, car les sentiers qu'elle a empruntés sont sinueux, raides et au sol irrégulier. Un mélange de roche calcaire éparpillée, de terre tantôt sèche tantôt boueuse, de la glaise qui colle aux sabots et qui en séchant, les crottes. Elle avait juste un peu soif. On a alors dégusté un petit verre de sancerre blanc tout en mangeant sur une tranche de pain tiède et croustillante, un crottin de Chavignol bien frais. L'apéritif traditionnel. On s'est délecté de ce nectar dans un silence à l'unisson, de rigueur dans un tel moment. Après ce festin sur toile cirée, je me suis levé pour mettre les fleurs de tournesol dans un vase massif. Erreur ! Mon aïeule s'écria que j'allais gâcher la marchandise, que les tournesols c'était bien joli, mais qu'elle ne les avait pas porter jusqu'ici pour les regarder. Le soleil c'était pour le dessert. Elle allait nous faire des beignets aux fleurs de tournesol quelque chose de beau ! Elle nous avait pourtant bien dit qu'elle amenait le dessert. Eh bien voilà il était dans les fleurs, parce que comme c'est périssable... on n'allait pas attendre qu'elles fanent ! Et puis les bonbons ça beau être bon, ça colle au dentier. Je dois bien avouer que je me suis régalé comme surpris par la grâce - et non la graisse - de ses beignets. Le soleil était entré en nous. On rayonnait, un sourire béat accroché aux lèvres. Et depuis ce jour, j'ai arrêté de butter mes pommes de terre dans mon petit coin potager. J'ai laissé tomber les carottes et les navets. La fin des haricots. Depuis ce jour, mon jardin est rempli de pâquerettes, d'oeillets, de dahlias, de bégonias, de coquelicots, de bourraches, de géraniums... j'en passe et des meilleurs. Nous avons la maison la plus fleurie du hameau et mieux encore, la cuisine la plus fleurie de la région !