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22 juin 2009

Du temps où les parachutes dorés n'existaient

Du temps où les parachutes dorés n'existaient pas...


golden_parachute



C'était une drôle d'après-midi. Qui passait trop lentement et trop vite à la fois.
George s'ennuyait et en même temps il aurait voulu faire un tas de choses. Avant que.
L'heure tournait tranquillement, les trotteuses au pas. Il entendit Big Ben qui sonnait quatre heures. Puis, le silence. D'or, dort. Comme un scarabée, à la Edgar Allan Poe, comme une beatlesmania encore inexistante.

A 21 heures, il embarquerait pour traverser la manche. Mais la véritable paire de manche, c'était de sauter de l'avion, de bien penser à ouvrir son parachute et espérer atterrir sans encombre dans un endroit tranquille. Un terrain vague. Si vague de l'autre côté de la mer, pour lui qui ignorait tout de la France. Ce 6 juin 1942, il allait débarquer avant bien d'autres, sur les terres normandes, ces bocages près des plages qui ne ressemblent déjà plus à ses chères terres anglaises. Terre molle sous ces jambes molles. Une terre en glaise... Lui qui ne connaissait pas un mot de français si ce n'est des banalités entendues par-ci par là, dans des romances ou lues dans des manuels sans intérêt : Je t'aime, ma chérie, le petit chat est mort, le chien dort dans sa niche... un peu comme le My tailor is rich ou le My flowers are beautiful des français...

Il se leva, les jambes engourdies à force de s'avachir dans son roking chair. Ca y est, ça le reprenait. Cette terrible Sueur au tripes comme l'écrirait Léo Malet. Sacré Frenchy ! Du noir, du roman noir. Voilà la France. Il ne l'imaginait pas autrement avant son singulier Voyage au bout de la nuit...

Dis-moi Céline... Qu'ai-je fait pour en arriver là ?

La tête lui tournait mais malgré tout il lui fallait finir ces derniers préparatifs. Une voiture conduite par un inconnu passerait le chercher dans une demi-heure à peine. Elle l'emmènerait à plusieurs lieues de Londres. Dans un champ. Perdu. Ignoré. Un aérodrome sauvage, improvisé, planté là comme par miracle, au milieu de cottages disséminés dans les plaines du Royaume.

Ca bourdonnait dans sa tête. Il faillit s'évanouir. Il ouvrit la fenêtre pour prendre un peu d'air et vit une voiture se garer dans la rue, au pied de son immeuble. Une traction. Il chancela. Vacilla. Et, fit le saut bien avant l'heure des braves, avant de devenir ce héros anonyme qu'on lui demandait de devenir, ce soldat inconnu tête nue et crâne ouvert, cette croix blanche parmi les autres croix blanches alignées sur une pelouse verte au gré des vents maritimes... Ce pion de morpion mortuaire.

Dans cette chute précipitée, il ne restait plus qu'une marionnette démantibulée qui a perdu le fil de l'Histoire et le fil de son parachute. Oui. Mais il restait. A angle droit sur sa terre. En angleterre. Il resterait, voilà tout, même s'il ne verrait pas briller les étoiles dans le ciel de l'hexagone et encore moins ne goûterait la fraîcheur de l'étoile anisée du Berger...

Le sang bouillonna encore un peu dans ses tempes et les mouches qui voletaient déjà autour de sa majesté déchue, ont peut-être entendu susurrer :

Je t'aime, ma chérie, le petit chat est mort , le chien dort dans sa niche...

Noir.

Chut...

Merci à Barth Péron d'avoir accepté que j'utilise son dessin qui illustre à merveille ce texte. Allez jeter un coup d'oeil sur son blog (le blog de Bargeo), ça vaut le détour. Je crois qu'entre Barjots on se comprend !!!

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